Bonjour bonsoir à toutes et à tous, après quelques analyses de planches, voici un premier resumé de ce que nous avons pu en tirer. Bonne lecture !
"Si je vous dis Hiromu Arakawa, vous me dites...?
Comme on a ni le niveau ni l'égo suffisamment démesuré pour faire un cours « magistral » sur la création de manga, on a choisi d'écrire un article sous forme de compte-rendu de ce que nous-mêmes avons extrait grâce à une rapide analyse, un peu comme un TD de physique ou une dissert de philo quoi.
On a beau être des profanes, on a tout de même un peu de jugeote ce qui aide grandement et vous devriez aussi essayer l'exercice.
La démarche est très simple : une problématique, un manga, un chapitre et on regarde ce que l'on peut en dire. Si vous avez des remarques, des ajouts, des suggestions pour la suite, n'hésitez pas à continuer la discussion.
À vos cerveau !
Le premier chapitre, la première scène sont décisifs pour un scénario, quelque soit son support.
C'est le premier contact avec le public, c'est celui qui expose les personnages principaux, le cadre du récit, et c'est lui qui donne l'ambiance du scénario.
Tout ceci est évident me dites vous, mais comment certains grands mangaka font, eux ?
Du coup pour un début, autant commencer par le début, on a donc choisi de parler du premier chapitre de manga :
aujourd'hui, Fullmetal Alchemist.
Bien sûr il faut présenter les personnages, et dans notre cas, l'alchimie sur lequel l'univers de FMA s'est construit.
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C'est donc ce à quoi s'attelle très rapidement Hiromu, et ce avant même de commencer le chapitre.
Une page avant le début du chapitre montre un aperçu du passé d'un jeune garçon une jambe arraché lors d'un accident en lien avec de la magie.
On repère donc déjà le héros de l'histoire, celui qui apparaît avant même qu'elle commence. (dat power bitches!)
On se doute aussi qu'il n'est pas seul, vu qu'il parle d'Al, et donc qu'on va avoir affaire avec 2 protagonistes.
Mis dans le bain, on s'attend à qqch de sombre et douloureux pour la suite, au vu de cette page d'introduction et de la morale qu'a choisi d'y mettre Hiromu en début, et non en fin d'histoire. Et bien même pas.
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On se retrouve dans une ville apparemment paisible, et un message radio diffusé sur un instrument complètement loufoque qui rend le décalage complet (la case est oblique, ça augmente la surprise de la scène). Cet effet comique tempère le prélude assez trash et on va remarquer ça tout au long de FMA : une histoire sombre voire sordide à certains moments, mais avec des passages comiques réguliers pour détendre un peu l’atmosphère.
À partir de là, une quasi présentation des deux personnages se fait en un tiers de planche : le placement des visages accentue la complicité, installe un mystère sur ces 2 inconnus, mais aussi montre qu'il sont ensemble, d'autant plus qu'Ed fini la phrase d'Al, ce qui veux tout dire.
C'est en soit une présentation, même si les noms n'apparaissent que 5 planches plus tard, seulement après l'utilisation de l'alchimie.
Cette seconde planche, construite apparemment pour ne rien dire (à part artiste de rue... et ce n'est que pour le comique) n'est pourtant pas anodine : dans un format où chaque case compte où l'on ne doit pas s'étendre, chaque scène doit être bien calculée pour ne pas devoir empiéter sur la page d'après. Ici, au lieu d'éluder un élément insignifiant (la blague du barman), Hiromu a préféré l'étendre sur la page, et donc affirme l'importance des détails sur les deux personnages et du contrast crée avec leur véritable statut social (alchimistes d'état).
Maintenant sautons 9 pages et là, on tombe dans quelque-chose de beaucoup plus sombre :
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Comparez les cases où il y a Rose, simples, sans arrière plan, et celle du père Cornello et du temple, sombres, avec un aspect griffonné, mettant mal à l'aise par rapport au reste très lisse et propre.
On en est au quart et on remarque déjà l'apparition d'un « méchant ». (retenez cette fraction pour la suite)
Le reste du chapitre oscille entre cases comiques au style caractéristique, et planches beaucoup plus sérieuses, ce qui montre ce que veux faire Hiromu. Ce ne sera si quelque-chose de comique, ni quelque-chose de sombre, on va osciller constamment entre les deux.
Mais à la moitié (de nouveau notez la fraction), nouvelle révélation et on replonge dans un passage sérieux : le fait qu'Al n'est pas de chair est d'os, et la peur que cela engendre chez Rose sont marqué par tout un tas d'effets visuels : la tête qui tombe seule sur la « vraie » page, pas dans une case « collée » par dessus,
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les traits que l'on pourrait qualifier de « vitesse » qui montre non pas une action rapide, mais l'effroi qui pèse sur rose (traits verticaux), les yeux qui s'écarquille de manière démesurée, la pupille rétrécie...
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Et jusqu'à la fin, c'est le sérieux qui va largement dominer, une case ou deux venant ponctuer l' intrigue et détendre l'atmosphère de plus en plus critique, comme pour mieux redémarrer après.
Le but d'Hiromu est donc clairement de montrer que ce manga est avant tout un shônen, pas autant comique que one piece ou trigun (dont les scènes de combat sont prises bien moins sérieusement)
mais elle a aussi la volonté de ne pas les faire prendre de manière aussi sérieuse que last exile ou le capitaine Albator dont il se démarque graphiquement où ce genre de cases purement comiques sont à ma connaissance assez rares. Elle ne veux pas non plus en faire un seinen, ce qui aurait très bien pu être le cas au vu du scénario auquel on a affaire.
"I told you! A fist in his face!" Ed, vs Mustang, ep 13, anime FMA.
Et c'est un peu ce que ça doit faire un premier chapitre de manga.
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Du coup, hormis la magnifique page où Al et Ed tabassent deux sbires (le dynamique est juste génial), madame Hiromu lance un gros combat sur le dernier quart du chapitre (notez la dernière fraction, j'imagine que ce n'est pas anodin n'est-ce pas ?), et ça commence avec le coup de théâtre de Rose, cachée dans Al qui entend la vérité à propos du père Cornello.
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Les cases, petites ou verticales deviennent majoritaires, plus « instantanée » que les horizontales,
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et certains éléments dépassent même sur les autres cases (la lance et les onomatopées).
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La rencontre avec la chimère se termine sur un combat non achevé (pour le suspens évidemment qui nous projette dans la suite) mais aussi sur une dernière révélation (les automail d'Ed) qui nous renvoie tout au début, sur la planche d'introduction, au gamin sans sa jambe (non pas qu'on ne l'avais pas deviné mais que depuis, on l'avait oublié cette page).
Et là, pouf, ça fait des chocapics puisqu'on boucle le chapitre, littéralement, mais on nous invite à aller à la suite puisque l'action ne s'est pas résolue et se termine sur une planche qui suinte la badassitude :
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Le style griffonné en rajoute une couche, le fait qu'elle prenne une double page une autre et une police agressive et ÉNORME viens étaler une dernière couche, comme pour crier « et c'est pas fini biatches, vous allez en prendre encore plus dans les mirettes juste après ! »).
C'est tout ces éléments qui font la puissance de ce chapitre (en dehors de l'aspect purement graphique) et on peut résumer ce que l'on y trouve :
La présentation : avec les réponses au 5W en anglais (ou cqqcoqp français)
- Des protagonistes (et un peu de leur passé et de leur lourd secret ici), antagonistes et personnages secondaires (à noter que Rose réapparaît plus tard dans le manga, elle n'est donc pas tant développée juste pour les besoin des 2 premiers chapitres)
- De leur but (l'intrigue principale), CàD la recherche de la pierre philosophale (pour retrouver leur corps)
- Du cadre (notamment de l'alchimie ici qui est un élément primordial pour comprendre l'univers de FMA)
- De l'action (c'est mieux pour un scénario d'action/aventure)
Mais il y a aussi :
- Du suspens pour pousser à lire la suite, généralement à cause de l'intrigue non résolue
- Quelque chose ne laissant pas l'impression d'un chapitre insatisfaisant, de façon à ce qu'on se dise « non tu n'as pas perdu ton temps regarde, on en est toujours à ce qu'on t'as promis au début ». Ici c'est le bouclage explicite entre la planche d'introduction et de conclusion ainsi qu'un combat coupé lors d'une première victoire.
- Au vu du monument en longueur auquel on a affaire en parlant de FMA, il y a une sous intrigue (avec Rose et Cornello même si c'est elle qui amène l'intrigue principale) qui accélère l'arrivée de la vraie intrigue et de l'action.
Au passage, notez une progression possible, même sans doute valable pour n'importe quel chapitre : ¼ : élément perturbateur, ½ : révélation (péripétie), ¾ : résolution (ici combat contre le père Cornello, ou plutôt sa chimère). Ça donne un chapitre équilibré, parfait pour un chapitre de présentation. (on regardera des chapitres plus alambiqués une autre fois, si on en trouve)
Vous remarquerez que la résolution ici en est une uniquement car Ed semble victorieux à la fin du chapitre, même si ce n'est qu'une deuxième péripétie si on considère le second chapitre.
Un arc coupé en plusieurs chapitres doit donc l'être au bon endroit, pas simplement en plein milieux de l'action comme dans certains animes, pour ne pas frustrer le lecteur/spectateur..."