Remarques préliminaires- Spoiler:
- Je ne savais pas trop où poster ce sujet. Vu qu'on y parle de couleur, j'aurais pu le poster dans la section dessinée... Mais comme l'analyse proposée vise à montrer l'utilisation de la couleur au profit du scénario, et en majeure partie de l'ambiance et l'atmosphère d'une scène, j'ai choisi de la mettre dans la section scénario. Que l'on me corrige si j'ai tort.
- Deuxième point. Etant un grand admirateur de Burton (sa vie, son oeuvre) depuis de nombreuses années, il se pourrait que je ne sois pas tout à fait objectif si je devais donner un avis personnel sur ces films. C'est pourquoi je ne traiterai de ses films d'un point de vue le plus neutre possible. Pardonnez cependant si je ne suis pas toujours objectif.
Ce sujet a pour but, comme l'indique le titre, de traiter de l'utilisation qu'est faite de la couleur dans les films de Tim Burton. Cette étude, visera, plus que d'étudier le procédé technique, de montrer quel apport le choix des couleurs amène à l'atmosphère et l'ambiance de différentes scènes.
Nous traiterons ce sujet non pas par film, mais par catégorie d'utilisation.I- Noir et blanc, univers sombre de mise.C'est souvent l'idée qu'on se fait de Burton. LA grande idée reçue. Burton fait des films très sombres, quasiment en noir et blanc, ce qui lui permet de donner à ses scénarii une atmosphère très sombre. Certes, certains de ces films usent de ce procédé. J'en veux pour preuve son premier court-métrage,
Vincent, entièrement réalisé en noir et blanc.
https://www.youtube.com/watch?v=l3l3z2d9_j0 Ici, le noir et blanc est utilisé pour illustrer l'univers sombre et torturé du héros, Vincent, petit garçon qui se prend pour Vincent Price, l'une des grandes voix du cinéma d'horreur (c'est d'ailleurs sa voix que l'on entend, en voix-off, dans la version anglaise) Les couleurs très sombres, permettent, par le biais du décor, de décrire les pensées du personnage. Le décor n'est ici qu'une interface, qu'une image permettant au lecteur d'observer l'esprit du héros. Un peu comme une "pièce intérieure, une chambre de l'âme"
Remarquons tout de même l'éclaircissement des images lors des retours à la réalité, comme lors de l'intervention de la mère, qui l'invite à aller jouer hors de sa chambre, à la fin du court-métrage. Cet éclaircissement, reflète quant à lui la réalité. On peut même aller jusqu'à interpréter cet éclaircissement comme un retour à la réalité du héros, qui "s'éclaircit" les idées.
Bien sûr, tout l'intérêt du film réside dans l'alternance entre les scènes éclairées, et les scènes sombres. Contraste entre réalité interne au héros, et réalité externe, réalité de tous.
On peut aussi citer les deux batman réalisés par Burton, mais je ne m'attarderai pas là-dessus. D'une part car je dois les revisionner pour me faire une idée, d'autre part car la Warner, producteur, est intervenu dans les choix de Burton (surtout pour le premier, en fait. Le deuxième est beaucoup plus burtonien)
II- De l'alternance sombre, colorée
C'est LA grande dominance des films de Burton: Les passages colorés dans les films à dominance sombre. Plusieurs utilisations possibles.
Commençons par le plus marquant, Sweeney Todd.
- Spoiler:
Le film est à dominance très très sombre. Tout le film est noir, la couleur est limitée au minimum, feutrée. Evidemment, le film lui-même est très sombre, un boucher égorgeant des gens, c'est pas très gai, pour la plupart des spectateurs... L'aspect sombre accentue encore la noirceur du scénario.
Cependant! Car il y a un cependant, certaines scènes comme celles de la chanson "There was a barber and his wife", chanté par Sweeney himself est très colorée. Ici, on marque la joie passée par la couleur. Dans les films de Burton, comme chez beaucoup d'autres auteurs, la couleur exprime les sentiments de joie éprouvés par ses personnages.
La couleur du décor exprime très souvent l'état d'âme du personnage principal. Le personnage veut se venger, est obnubilé par cette idée, le film est très sombre. Même dans la période de félicité qu'il connaît plus tard dans le film (cf la chanson by the sea), les couleurs sont présentes, représentent les sentiments de Mrs. Lovett, mais sont atténuées quelqeu peu par la présence de Sweeney. Pas de couleurs dites chaudes, que du froid (dominance bleue) A remarquer, Lovett porte du rouge, chaud, tandis que Todd reste en noir ou blanc, ne porte pas de couleur, ou seulement des couleurs froides ou sombres.
Deuxième immense film très sombre, mais avec toutefois quelques scènes très colorées, Sleepy Hollow.
- Spoiler:
Comme d'habitude, une histoire très sombre, un cavalier coupeur de têtes, pour la majorité des gens, ce n'est pas drôle! Cependant, l'ambiance sombre ne dépeint le caractère du personnage principal, comme on a pu le voir précédemment dans
Vincent. Non, le ton sombre est ici uniquement au service du décor, le rendre encore plus effrayant, plus gothique... Ceepndant, certaines se détachent des autres par leur ton coloré.
J'en veux pour preuve les flashbacks du héros, qui se rappelle sa mère, et les scènes avec Katrina, où là, à nouveau, les couleurs sont directement le vecteur de transmission des sentiments du héros au spectateur. De plus, les scènes avec la mère, très colorées, permettent de trancher littéralement avec les scènes de flashback du père, dont l'église est d'un blanc immaculé, malsain.
De par cette différence de ton chromatique dans les différents flashbacks, le spectateur comprend aisément les sentiments haine/amour du héros pour son père/sa mère, et fait progresser un sentiment de malaise jusqu'au dernier flashback, dénouement où les sentiments du héros atteignent leur paroxysme.
Dans un autre style, citons deux films où la couleur est plus présente. L'étrange Noël de Mr Jack (The Nightmare before Christmas), et Les Noces Funèbres ( Corpse Bride)
Dans le premier, la couleur sert évidemment à marquer le contraste entre la joyeuse Christmas Town, et l'horrifique Halloween Town. Cependant, contrairement à ce que l'on pourrait penser, la couleur est belle et bien présente à Halloween Town, preuve qu'Halloween n'en reste pas moins une fête, preuve également que ses habitants, monstres de leur état ne sont pas si monstrueux. Humanisation des personnages à l'aspect repoussant.
Finalement, des trois mondes, le mois coloré et donc le plus triste est celui des humains dans lequel se rend Mr Jack. La tristesse du monde humain est également développée dans les Noces Funèbres, de manière plus exhaustive.
En effet, on observe un énorme contraste de couleur entre le monde des vivants et le monde des morts. Paradoxalement le monde des morts est beaucoup plus joyeux que celui des vivants, beaucoup plus vivant. Etonnant, non? Ici, la couleur est au service non pas d'un personnage, mais d'une communauté de personnages. Les vivants austère, couleurs sombres... Les morts, heureux, couleurs vives.
III- De la couleur, partoutEnfin, prenons deux films, diamétralement opposé aux premiers commentés. Extrêmement colorés,
Alice au Pays des Merveilles et
Charlie et la ChocolaterieDans Alice au pays des Merveilles (Alice in Wonderland), la couleur est omniprésente.
La couleur est bien sûr encore une projection de l'état d'esprit encore enfantin, du personnage. On remarque d'ailleurs que plus le film avance, plus Alice mûrit, plus les couleurs s'estompent (la bataille sur l'échiquier est bien plus sombre que les premiers pas dans le jardin des merveilles...).
De plus, la couleur illustre le monde du rêve, de l'imaginaire, bien plus que dans le monde cru, réel, que l'on observe au début et à la fin, dans la garden party, où l'on demande la main d'Alice. Très coloré, certes, mais dont les couleurs sont froides (dominantes vertes et bleues).
Dans Charlie et la chocolaterie (Carlie and the chocolate's factory), idem, à partir du moment où on rentre dans la chocolaterie, la couleur est partout, omniprésente. L'excès de couleur peut même amener un dégoût, un petit malaise. Tout se mange, tout est joyeux, gai. Mais, par l'intermédiaire des accidents des enfants, et des poupées qui brûlent, au début, Burton ne manque pas de nous rappeler que la couleur n'est qu'un artifice, qui cache une réalité plus dure, plus crûe, que l'on observe dans les flashbacks de Willy Wonka, à dominance sombre.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur la couleur chez Burton. Mais le temps que je possède ne me permet pas d'être beaucoup plus exhaustif. Ainsi, je préfère consacrer mon temps à avancer mes scénars et à proposer, qui sait?, d'autres analyses, plutôt que de passer des mois sur celle-ci. Je continuerai peut-êter, si l'envie m'en prend, par analyser plus particulièrement un film sous l'angle de la couleur.